samedi 19 avril 2008

Prophétie...

Là où l'aventure garde les yeux clairs.
Là où les femmes rayonnent de langage.
Là où la mort est belle dans la main comme un oiseau saison de lait.
Là où le souterrain cueille de sa propre génuflexion,
un luxe de prunelles plus violent que des chenilles.
Là où la merveille agile fait flèche et feu de tout bois.
Là où la nuit vigoureuse saigne une vitesse de purs végétaux.
Là où les abeilles des étoiles piquent le ciel d'une ruche plus ardente que la nuit.
Là où le bruit de mes talons remplit l'espace et lèveà rebours la face du temps
Là où l'arc-en-ciel de ma parole est chargé d'unir demain
à l'espoir et l'infant à la reine,
D'avoir injurié mes maîtres mordu les soldats du sultan,
D'avoir gémi dans le désertd'avoir crié vers mes gardiens
D'avoir supplié les chacals et les hyènes pasteurs de caravanes.
Je regarde la fumée se précipiter en cheval sauvage sur le devant de la scène,
ourle un instant la lave de sa fragile queue de paon
puis se déchirant la chemise, s'ouvre d'un coup la poitrine
et je la regarde en îles britanniques en îlots,
en rochers déchiquetés se fondre peu à peu dans la mer lucide de l'air,
où baignent prophétiques ma gueule, ma révolte, mon nom.

Aimé Césaire

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