lundi 20 octobre 2008

Hommage à Soeur Emmanuelle...


Sœur Emmanuelle s'est éteinte comme une étoile.
En laissant un immense rayon de lumière.
Une disparition ressentie par tous : à qui n'était-elle pas devenue familière ?
Foulard et blouse grise, tennis usés, on reconnaissait sans peine la silhouette.
Le visage ridé comme par un appétit de vie et de soleil, le regard bleu scintillant
derrière de larges lunettes, et toujours le sourire aux lèvres.
Une femme totalement disponible aux autres :
"Si on ne s'intéresse pas aux autres, la vie devient monotone",
confiait-elle un jour à Paula Boyer.
Chacun avait compris depuis son retour d'Egypte
que le mot retraite lui était étranger.
Elle n'avait jamais semblé aussi présente.
Auprès de ses amis de l'association Asmae bien sûr,
mais aussi à la télévision et à la radio, dans les écoles,
les paroisses, les prisons.
Mais encore, et toujours, près des pauvres, des exclus.
Les SDF de l'association Paola à Fréjus, par exemple.
Certes, elle goûtait la compagnie des religieuses
de la maison de retraite du Pradon,
dans le village de Callian, au pied de l'Esterel.
Elle aimait bavarder de jardinage,
mais on la sentait toujours sur le départ, vaillante sur ses pieds
ou calée dans un fauteuil roulant,
prête à monter dans une voiture, un car ou un train.
"Il faut qu'elle aille jusqu'au bout de ce qu'elle peut donner",
expliquait un jour sœur Jeanne-Bernadette.
Jusqu’au bout, être utile et efficace,
Inaction : autre mot banni de son vocabulaire.
La gamine insupportable, la jeune religieuse frondeuse,
la révoltée du Caire : comment effacer un tel caractère ?
Jusqu'au bout, elle entendait dire ce qu'elle pensait,
secouer les dormeurs, ne pas rester les bras croisés.
Etre encore utile et efficace, avec cet optimisme
qui en désarmait plus d'un, et cette façon de mettre un terme au doute :
"C't'évident, non ?
" Ne jamais laisser s'éteindre la flamme de l'espérance. Yalla !
Qui n'a perçu l'infatigable volonté derrière cette interjection
souvent répétée d'une voix à la fois fluette et ferme ?
Le charisme de sœur Emmanuelle reposait sur un sens inné du contact.
Tutoyant tout le monde, sauf le pape...,
dotée d'une mémoire d'éléphant pour les noms,
elle marquait toujours un intérêt sincère pour celui qu'elle rencontrait.
Avec le même égard, mais aussi le même culot, qu'il soit puissant ou misérable.
Dans les échanges, elle savait avec intuition ce qu'il fallait dire
et faire à chaque instant. Et elle affichait une force de conviction inaltérable :
" J'ai opté pour l'amour universel", disait-elle,
expliquant que ce n'était pas la pauvreté qu'elle aimait, mais les pauvres ;
la justice plus que la charité. On comprend que, dans ses vœux prononcés,
le plus dur aura été celui d'obéissance. Et celui de chasteté ?
Celle qui fut une jeune fille coquette effaçait d'une pirouette les remords :
"Je n'aurais pas pu me consacrer à un seul homme".
A un autre que Dieu.
Soeur Emmanuelle aura été un exemple, tout simplement un témoin.
"Je ne suis qu'une petite goutte dans un océan de misère".
Cette goutte vaut de l'or...

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